Premiers pas au hameau de l’enfer
Préhistoire
Qu’y avait-il avant l’AOI ? Y avait-il quelque chose ? L’AOI, créée en 1985, est la première association française spécifiquement dédiée à l’Ostéogenèse Imparfaite. Sous le sigle de APAFO, sigle dont nous ignorons la signification exacte, un petit groupe s’était réuni, quelques années auparavant, pour développer une action solidaire entre les Personnes de Petite Taille, citons : Alain Dietsh, Laurence Durousset… Cette initiative positive, restée peu connue, ne bénéficiait pas des supports modernes de communication (pas plus que l’AOI à ses débuts d’ailleurs) comme Internet, les mails …. Rendant d’autant plus difficile une expansion associative. Vous noterez que l’intitulé de cette association illustre également le peu de connaissances, notamment génétiques, sur l’Ostéogenèse Imparfaite avant les années 90. L’APAFO est morte « de sa belle mort » et vous retrouvez, au sein de l’AOI, certains de ses membres qui se sont investis dans le développement de certaines actions : Laurence Durousset a conduit le passage à la couleur de notre journal OI Infos en 1995 par exemple.
Chantal Foloppe-Gatine

Chantal Foloppe-Gatine
Chantal a créé l’AOI en 1985 ; elle en a été la personnalisation pendant de nombreuses années. Ce petit bout de femme a impressionné tout le monde par son dynamisme. Constatant l’état de solitude des parents ayant un enfant OI et le fait que les adultes OI avaient beaucoup de mal à obtenir réponse à leurs interrogations, elle a décidé de s’engager. Le départ fut laborieux ; dépourvue de moyens financiers, armée de sa bonne volonté et d’un téléphone, elle a entrepris de se faire connaître et d’assurer une permanence téléphonique, tout en continuant son activité professionnelle dans la banque, et recevait chez elle ceux qui faisaient le déplacement. Elle osait raconter, sans forfanterie, son aventure humaine et celle de ses parents, ses fractures innombrables, les réflexions que son allure physique « hors normes » provoquait. Le premier contact avec elle était « surprenant » mais vivifiant ; son allant ne pouvait que vous inciter à vous engager : c’est grâce à Chantal que nous avons décidé de nous engager dans cette « aventure ». Avec ténacité, elle a tissé petit à petit un réseau dont la notoriété restait malgré tout régionale. Pour vous aider à comprendre la difficulté de la tâche rappelons qu’avant les années 90 le concept de Maladies Rares était inconnu, les médias n’en voyaient pas l’intérêt, et les médecins, à de très très rares exceptions près, ne voyaient pas l’intérêt d’une association de malades. Les photos, encore sur support argentique, étaient coûteuses donc limitées en nombre ! Ceci vous explique que la photo de Chantal soit un peu postérieure comme l’ont surement remarqué certains d’entre vous avec la présence d’un Mac Plus !
Aide aux familles
Pour briser l’isolement dans lequel étaient plongées les familles concernées par l’OI, très vite s’est fait sentir la nécessité d’un support papier utilisable pour envoi postal en réponse à un appel téléphonique. Personne n’a calculé le nombre d’heures qui fut nécessaire pour créer ce document de synthèse, ouvrage très souvent remis sur le métier ! A l’époque le terme d’Ostéogenèse Imparfaite n’avait pas encore été massivement adopté. Les malades étaient médicalement « classés » en maladie de Lobstein, maladie de Porak et Durante, maladie des Os de verre, maladie de Capdepont…. avec pour résultat une confusion dans l’esprit des médecins et une grande perplexité dans celui des familles ne voyant pas le lien entre elles.
Cette plaquette, distribuée largement dans les hôpitaux et les Centres de Rééducation, contribua à faire connaître l’OI, le numéro de téléphone en Basse Normandie et à étoffer le petit noyau qui s’agrégeait autour de Chantal.
Jean-Frédéric Lobstein « le jeune »

Jean-Frédéric Lobstein
Jean Frédéric Lobstein (dit le jeune) vécut de 1777 à 1835. Il exerça à Strasbourg dans la Chaire de Clinique et d’anatomo-pathologie et décrivit une classification des lésions d’après les modifications de leur caractère anatomique et non d’après le siège. Du point de vue clinique, Lobstein mentionne la survenue de l’ostéopsathyrose chez le jeune enfant et dans la vieillesse. Il faut noter en particulier l’observation personnelle du caractère familial chez trois enfants qui, en cinq ans, se sont fracturé « huit fois les bras et les jambes, en faisant de légères chutes » (Cf. OI Infos N° 6 p2). Ce n’est qu’au milieu du XIX° siècle que Wrolik, anatomiste hollandais, emploie le terme de « Osteogenesis Imperfecta », vocable actuellement utilisé internationalement pour décrire l’Ostéogenèse Imparfaite.
En France le Dr Pierre Maroteaux, exerçant à l’Hôpital des Enfants Malades à Paris, avait développé un savoir encyclopédique sur les formes cliniques des anomalies osseuses rares de l’enfant expliquant que dans les années 90, tous ces enfants aux maladies osseuses rares lui étaient envoyés en consultation de la France entière.
Rencontres au centre de Bois Larris (Oise)

Centre de Bois Larris (Oise)
Dès le début de la vie de l’AOI, la nécessité d’une rencontre de ses membres s’est fait sentir. Avec l’aide du Docteur Monique Salaire, médecin chef du centre de rééducation, Chantal Foloppe-Gatine avait obtenu l’autorisation d’utiliser gracieusement la salle de réunion du Centre de Rééducation pour enfants de Bois Larris dans l’Oise. Situé un peu au Nord de Paris, ce centre était bien adapté pour faciliter la participation du « plus grand nombre ». Evidemment nous étions bien loin des Journées nationales annuelles actuelles ! Entre vingt et trente personnes se retrouvaient, une journée, pour discuter sans ordre du jour précis. S’il y avait les sempiternels rapports moral et financier, cette partie ne durait pas longtemps. L’essentiel était composé d’échanges, animés par Chantal Foloppe-Gatine au cours desquels chacun s’exprimait librement : il y avait les « anciens » qui étaient contents de se retrouver et les « nouveaux » qui venaient aux nouvelles. Comme il est intriguant d’observer que les questions étaient pratiquement déjà les mêmes. Le caractère répétitif des questions nous a convaincu de l’intérêt de développer des supports d’information que Chantal puisse envoyer lors des appels téléphoniques reçus à son domicile. Rapidement il est apparu que la salle n’était pas adaptée à un plus grand nombre de participants, même si le cadre boisé était très agréable et qu’il fallait trouver plus grand tout en gardant à l’esprit que les moyens financiers très limités nous imposaient de rester très prudent dans la progression.
Progression du nombre des membres
Le nombre des membres qui stagnait à une valeur d’une trentaine a grimpé progressivement avec le développement des activités et la notoriété nationale de l’AOI. Ce nombre a grandi très rapidement après l’édition du premier livre sur l’Ostéogenèse Imparfaite postérieure à la période 1985 -1988.
Ma faiblesse m’est chère.
Je tiens à mon imperfection,
comme à ma raison d’êtreAnatole France
Pour chaque période, nous proposerons à votre réflexion un court texte adapté à la situation des familles confrontées à l’OI et à cette période. Entre 1985 et 1988 il n’y avait aucun traitement médicamenteux de l’OI. Les familles se retrouvaient confrontées à leurs difficultés quotidiennes avec des conseils médicaux plus ou moins adaptés (pour ne pas dire complètement inadaptés aux réalités journalières !). L’OI, faiblesse physique apparente, ne renvoie-elle pas à la fragilité humaine de façon plus générale ? Une société, glorifiant la « beauté » et le « jeunisme » ne fuit-elle pas la vérité, ne passe-t-elle pas à côté de ce qui fait la grandeur de l’Homme (et de la femme !), sa faiblesse assumée ?
OI à travers le monde

Commune de Sainte Austreberthe
A cette étape du développement, il aurait été bien prétentieux d’envisager un développement européen ou mondial ! Les activités se développaient à partir de la commune de Sainte Austreberthe que l’AOI a contribué à faire connaître. Chantal vivait au hameau de l’enfer (cela ne s’invente pas !) qui tient semble-t-il son nom du fait de grande fréquence de la foudre dans cette partie du Pays de Braie. Les associations anglaises (Brittle Bone Society), à comparer à l’APF plutôt qu’à l’AOI, et américaines (OI Fundation) existaient déjà mais nous, français, étions beaucoup trop occupés à « essayer de maintenir la tête hors de l’eau » d’une petite association à vocation nationale, pour envisager une quelconque collaboration internationale. Le contenu des premiers journaux OI Infos, postérieurs à cette époque, est le témoin involontaire, de la limitation des moyens d’action. En pratique, le rayonnement de l’AOI ne dépassait pas le Nord-Ouest de la France.
La quête de financements

Statue CHU Amiens
Tout naturellement, le conseil d’administration de l’AOI, conscient des limites du budget s’est mis en recherche d’aides. D’aucun créa une activité (concert, vente de gaufres …), un autre alla taper aux portes des communes, conseils généraux … avec des résultats bien réels mais insuffisants pour assurer l’autonomie financière de l’association indispensable pour développer des projets à moyen ou long terme. A posteriori, l’impossibilité d’obtenir des subventions conséquentes régionales ou nationales, fut une chance pour l’AOI. Ne pouvant compter sur cette manne régulière, nous avons dû gérer un budget très serré et ne nous sommes pas retrouvés en difficulté lors des budgets de crise où les institutions coupent dans les subventions. C’est le « serpent qui se mord la queue » : étant inconnus nous n’attirions pas les financements et la création des supports indispensables pour aider les familles, comme pour se faire connaître, ont un coût non négligeable même si vous vous efforcez de le limiter. Ceux qui n’ont pas vécu cette période ne peuvent pas imaginer l’énergie qu’il a fallu développer, le temps qu’il a fallu y consacrer, pour intéresser un tant soit peu la collectivité à un problème qui paraissait anecdotique à la majorité…
Martine & Pierre Verhaeghe